Dans un coin reculé du Mali, un village paisible niché au cœur de l’Afrique de l’Ouest, la vie de Bina est un exemple de résilience extraordinaire. Lieve Joris, la journaliste néerlandaise, a rencontré ce personnage fascinant lors de ses voyages et a partagé son histoire dans le magazine GEO (Numéro spécial anniversaire) de mars 1999. Bina, un receveur des Postes, est bien plus qu’un simple employé de l’administration : il est un symbole vivant de détermination et de courage face à l’adversité.
L’histoire de Bina commence de manière ordinaire. Il était un homme tout à fait ordinaire, s’acquittant de ses tâches professionnelles avec diligence et élevant sa famille dans la quiétude du village malien. Cependant, sa vie bascule lorsqu’il est victime d’un acte de violence commis par des rebelles.
“Qui pour dire à Bina… ?” Cette question reste en suspens, laissant nos lecteurs terminer cette phrase dans leurs têtes.
L’engagement de Bina en faveur de son propre bien-être et de sa qualité de vie ne se limitait pas à sa détermination à surmonter les difficultés locales, mais s’étendait également à ses efforts pour tirer parti des ressources disponibles à l’échelle internationale. Sa correspondance avec l’Association française des paralysés démontre son désir de trouver des solutions pratiques à ses défis personnels.
Lorsque Bina a appris que l’association envoyait une délégation au Mali avec trois chaises roulantes, il a immédiatement entrepris le voyage jusqu’à la capitale pour en obtenir une.
Cette histoire met en évidence la façon dont, même dans des situations difficiles, les Hommes cherchent activement des moyens d’améliorer leur vie et de faire face à leurs défis. Cela montre également comment la solidarité internationale et l’assistance humanitaire peuvent avoir un impact significatif sur la vie des personnes confrontées à des difficultés, en leur fournissant les outils dont elles ont besoin pour surmonter les obstacles. Bina incarne un exemple inspirant de la capacité de l’individu à trouver des solutions créatives pour améliorer sa propre situation, tout en démontrant l’importance de l’aide humanitaire dans la vie des personnes handicapées, et pas que.
Après la parution du nom et de l’adresse de Bina dans la revue de l’Association des paralysés, il a commencé à recevoir des colis de la part de Français souhaitant lui apporter leur aide. Ces envois comprenaient du matériel scolaire, des livres pour enfants, et même des jouets pour sa fille, témoignant de l’impact positif que la générosité peut avoir sur la vie des personnes dans le besoin.
Parmi les lettres touchantes que Bina a reçues, il y avait celles d’une vieille femme de Perpignan. Cette femme avait non seulement prié pour lui à Lourdes, mais avait également gravé son nom au pied de la statue de la Vierge, signe de son affection et de sa bienveillance envers Bina. Une preuve poignante de l’impact d’une simple histoire sur des individus vivant à des milliers de kilomètres les uns des autres.
Lorsque Lieve Joris a demandé à Bina si cette dame savait qu’il était musulman, sa réponse empreinte de malice, “je crois bien, oui, mais ça ne semble pas la retenir,” souligne le caractère universel de la compassion et de la solidarité humaine, qui transcendent les barrières religieuses ou culturelles. Cette anecdote incarne le pouvoir des actes de gentillesse et de solidarité pour unir les personnes, même lorsque leurs origines et leurs croyances diffèrent. Bina et la vieille dame de Perpignan ont partagé un lien profond, basé sur l’empathie et la compassion, démontrant ainsi que l’humanité a le pouvoir de connecter des individus de tous horizons.
L’atmosphère de Sokolo, telle que décrite dans ces détails, rappelle inévitablement à Lieve Joris le climat de tension et d’incertitude que l’on trouve dans le roman “En attendant les barbares” de l’écrivain Sud-africain J.M. Coetzee.
D’après le récit de Lieve, à Sokolo, cette réalité est frappante, car même si les rebelles ne sont pas visibles, leur influence est ressentie par tous. Les paysans craignent de cultiver leurs champs au nord de la ville, et même les visiteurs comme Lieve Joris se voient imposer des restrictions de déplacement strictes, limitant ainsi leur accès à certaines zones.
L’histoire de l’attaque des rebelles à Sokolo, moins d’un an après le séjour de Lieve, est un récit poignant qui met en lumière les défis auxquels sont confrontés les habitants de cette région. Bina, dans son récit de l’incursion, décrit des moments terrifiants où la vie de sa famille était suspendue à un fil. Les tirs et les balles sifflantes rappellent la réalité brutale de la violence et de l’insécurité qui prévalaient dans la région à l’époque.
Ces événements tragiques soulignent les conséquences dévastatrices des conflits armés sur les communautés locales, ainsi que la manière dont la vie quotidienne peut être bouleversée par la présence de groupes rebelles. Le récit de Bina est un témoignage poignant de la résilience et de la persévérance des habitants de Sokolo, qui ont dû faire face à des circonstances extrêmement difficiles.
La nouvelle de son licenciement des Postes, en raison de la compression des effectifs gouvernementaux, est un nouveau coup dur pour lui. C’est une décision qui laisse Bina abasourdi et amère. Il avait espéré un traitement plus favorable, peut-être même une reconnaissance pour ses années de service, mais au lieu de cela, il est contraint de quitter son poste.
Le passage où Bina exprime son admiration pour des personnages tels que Saddam Hussein, Pablo Escobar, etc…est peut-être révélateur de sa frustration et de sa désillusion envers le système politique et les dirigeants. Ces figures controversées incarnent peut-être pour lui la résistance contre l’injustice et la brutalité des politiciens. Sa déclaration amère sur le recours à la violence montre à quel point il se sent acculé, comme si c’était la seule option qui restait pour ceux qui se sentent marginalisés et impuissants face aux décisions des gouvernements.
Malgré ces épreuves, Bina ne baisse pas les bras. Il trouve le courage d’écrire une lettre à la femme du président, espérant qu’elle se montrera compréhensive et sensible à son sort. Cette lettre est une preuve de la persévérance de Bina, de sa capacité à exprimer sa douleur et sa vulnérabilité. Cependant, sa constatation finale, “Les faibles ont toujours tort ” révèle nous supposons son amertume envers un système qui semble ne pas tenir compte des personnes vulnérables et de leurs luttes.
L’histoire de Bina est une illustration poignante des défis auxquels sont confrontés de nombreuses personnes dans le monde, et de la manière dont la résilience et la persévérance sont souvent nécessaires pour faire face à l’adversité.
L’échange entre Bina et Lieve Joris, avec l’implication de Dick le médecin belge, révèle la complexité des relations humaines et des attentes qui peuvent en découler.
Après avoir quitté le Mali, Bina a contacté Dick grâce au numéro de téléphone que Lieve lui avait donné. Bina avait des affaires à discuter, mais il s’est avéré que ce dont il avait vraiment besoin, c’était de l’argent pour lancer une nouvelle entreprise agricole avec la rizière attribuée par le chef du village de Kokri (le village où Bina et sa famille s’étaient nouvellement installés). Il a proposé un contrat à Dick : il emprunterait de l’argent pour démarrer son entreprise et rembourserait dès qu’il aurait vendu sa première récolte.
Cependant, Bina n’a pas respecté la date de remboursement initiale. Lorsque Lieve est revenue au Mali quelques mois plus tard et a découvert la situation, elle a proposé de régler la somme à Dick à la place. Bina a semblé s’attendre à cette offre, peut-être parce il avait prévu qu’il serait incapable de rembourser. Lieve a accepté de payer, mais avec une certaine pitié pour Bina, le considérant comme un individu vulnérable qui avait confié sa récolte de riz et placer sa confiance dans un ami qui ne le méritait pas.
Cette anecdote met en lumière les nuances des relations interpersonnelles, de l’aide et des attentes. Elle révèle également comment des personnes dans des situations vulnérables peuvent être exploitées ou déçues, même par des proches. La réaction de Lieve montre sa compréhension de la situation difficile de Bina, mais aussi un certain agacement envers la façon dont il a géré cette affaire. C’est un rappel que les relations humaines sont souvent complexes, et que la compassion et la compréhension peuvent coexister avec des sentiments plus mitigés.
Merci à Lieve Joris d’avoir partagé ce beau récit de bravoure, qui vingt-quatre ans après est toujours d’actualité.