C’est la saison des des “Nobels”, et comme chaque année l’Académie suédoise dévoile les lauréats dans divers domaines.
Cette année, le prix Nobel de la littérature revient à Annie Ernaux. Femme de lettres française, elle devient la première femme à s’arracher ce privilège.
L’Académie suédoise dans une longue annonce postée sur son compte Instagram le jeudi 6 octobre, revient sur les tenants et les aboutissants de ce choix.
Littéralement traduit, voici les mots choisis par l’organisation :
« Le prix Nobel de littérature 2022 est attribué à l’écrivain français Annie Ernaux “pour le courage et l’acuité clinique avec lesquels elle met au jour les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle”.
L’écrivain français Annie Ernaux est née en 1940 et a grandi dans la petite ville d’Yvetot en Normandie, où ses parents tenaient à la fois une épicerie et un café. Son milieu était pauvre mais ambitieux, avec des parents qui s’étaient hissés de la survie prolétarienne à une vie bourgeoise, où les souvenirs des sols battus n’ont jamais disparu mais où la politique était rarement abordée. Dans ses écrits, Ernaux examine de manière constante et sous différents angles une vie marquée par de fortes disparités en matière de genre, de langue et de classe. Son chemin vers le statut d’auteur a été long et ardu.
L’un des chefs-d’œuvre de sa production est le récit à la retenue clinique de l’avortement illégal d’une narratrice de 23 ans, “L’événement” (2000 ; “Happening”, 2001). Il s’agit d’un récit à la première personne, et la distance avec le moi historique n’est pas soulignée comme dans de nombreuses autres œuvres. Le moi est de toute façon transformé en objet par les restrictions morales d’une société répressive et l’attitude condescendante des gens auxquels elle est confrontée. C’est un texte d’une honnêteté impitoyable, dans lequel elle ajoute entre parenthèses des réflexions d’une voix d’une lucidité vitale, s’adressant à elle-même et au lecteur dans un seul et même flux. Dans les espaces intermédiaires, nous nous trouvons dans le temps de l’écriture, 25 ans après que l'”événement” ait eu lieu, ce qui fait que même le lecteur fait intensément partie de ce qui s’est passé.
Annie Ernaux croit manifestement à la force libératrice de l’écriture. Son œuvre est sans concession et écrite dans un langage simple, gratté. Et lorsqu’elle révèle avec beaucoup de courage et d’acuité clinique l’agonie de l’expérience de la classe, décrivant la honte, l’humiliation, la jalousie ou l’incapacité à voir qui on est, elle a accompli quelque chose d’admirable et de durable ».
Annie Ernaux succède ainsi au tanzanien Abdul Razak Gurnah (Prix Nobel de la Littérature 2021).