La beauté sauvera le monde. Fedor DostoÏevski

Elisabeth II: Autant en emporte la reine

Crédit photo : Levan Ramishvili / Creative Commons

Hier, la reine est morte.

Nous avons appris la nouvelle comme tout le monde : Reine morte, enterrement le 19, que chacun fasse son deuil. Les journaux et les télévisions ont fait de la nouvelle leurs choux gras. Des messages de condoléances ont fusés des quatre coins du globe sous une pluie de R.I.P (Rest In Peace) pour inonder les cœurs de ceux qui s’abstenaient encore à fondre en larmes.

Élisabeth II, la reine protectrice, s’est éteinte le 8 septembre 2022 à l’âge de 96 ans

Conservatrice des valeurs morales et religieuses, elle avait réussi le pari de rassembler autour d’elle tous les profils socio-économiques au Royaume-Uni, dans le Commonwealth et même le monde entier.

Sa popularité n’épargne pas la France républicaine et laïque qui oublie la guillotine lorsqu’elle tombe sous le charme de cette jeune reine discrète et élégante.

Winston Churchill, Kennedy et les Beatles ont croisé le chemin de cette figure féminine emblématique : monarque dévouée, puis épouse et mère.

Retraçons le destin peu commun de cette icône britannique qui vient de passer le flambeau à son fils, le Roi Charles III.

Windsor, un nom emprunté

Lorsque la célèbre reine Victoria épouse en février 1840 Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, la monarque elle-même, la famille royale et tous ses descendants adoptent le patronyme d’origine allemande.

Mais durant la Première Guerre mondiale, le sentiment anti-allemand est tellement profond qu’il pousse Georges V, le roi en fonction, à changer le titre de la famille royale en un nom à consonance plus britannique. La maison et la famille de Saxe-Cobourg-Gotha est rebaptisée Windsor comme le château anglais du même nom. C’est Guillaume le Conquérant qui en 1066, a choisi le site pour y élever une forteresse.

À ce moment et pour la même raison, les cousins Battenberg deviennent Mountbatten.

Lilibet : la petite héritière inattendue

À sa naissance en 1926, c’est son grand-père adoré, George V, qui occupe la fonction de souverain du Royaume-Uni et des dominions (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Irlande) ainsi qu’empereur des Indes.

La petite princesse grandit avec sa petite sœur Margaret dans une famille aristocrate unie. Ses parents se montrent présents et impliqués auprès de leurs filles contrairement à son père qui avait souffert d’une éducation de nurses et de tuteurs. Le climat d’amour et d’équilibre instauré par ses parents a certainement joué un rôle primordial dans le caractère de cette future femme inébranlable.

Élisabeth arrive troisième dans l’ordre de succession au trône après son oncle Édouard de Galles (futur Édouard VIII), puis son père Albert, duc d’York (futur George VI).

La petite altesse royale n’avait pas de frère. Son fabuleux destin aurait été complètement différent car, même plus jeune qu’elle, il aurait été prioritaire à la couronne.

Mais ce qui a changé définitivement le cours de l’Histoire, c’est surtout l’abdication de son oncle, qui déclara ceci au Premier ministre :

J’ai l’intention d’épouser Mrs. Simpson dès qu’elle pourra se remarier. Si je peux l’épouser en tant que roi, tant mieux…sinon… eh bien, je suis prêt à partir”.

Extrait du livre “LA MAISON WINDSOR, secrets et scandales à la cour d’Angleterre” de Kitty Kelley, ed Presses de la Cité

En effet, lorsque son grand-père le roi George V meurt en 1936, son oncle aussi connu par son prénom de baptême David, accède au trône sous le nom d’Édouard VIII.

Pourtant, il va abdiquer quelques mois plus tard.

Son désir d’épouser Wallis Simpson, une américaine deux fois divorcée, crée une crise constitutionnelle. À l’époque, l’Église anglicane s’oppose au remariage de personnes divorcées si leurs anciens époux ou épouses sont toujours en vie.

Après 326 jours de règne, le pouvoir passe aux mains du père d’Élisabeth, Albert, qui devient le roi George VI.

Ce dernier règne du 11 décembre 1936 au 6 février 1952.

Souffrant de problèmes de santé chroniques depuis des années puis d’un cancer du poumon, il décède subitement alors qu’Élisabeth et son époux Philip sont en tournée royale au Kenya.

Un couronnement assumé à 100 %

Depuis le jour de l’ascension de George VI au trône, les 2 petites princesses suivent leurs parents dans presque tous leurs déplacements : serrant des mains à gauche, saluant le peuple à droite. Elisabeth et Margaret, sa cadette de cinq ans, étaient les enfants uniques du prince George. Elisabeth adorait sa turbulente sœur et entre les deux existait une complicité absolue.

Son père savait qu’Élisabeth serait prête à assumer ses fonctions royales le moment venu. Elle montrait un caractère d’acier, un dynamisme et des manières distinguées propices à son rôle de représentante.

En 1940, alors âgée de 14 ans, elle prononce sa première allocution radiophonique sur la BBC en soutien aux enfants éloignés de leurs familles à cause de la guerre.

À l’âge de 16 ans, elle est nommée colonel en chef des Grenadier Guards.

En 1945, elle rejoint la branche féminine de l’armée anglaise : Elle y reçoit un entraînement en conduite et mécanique et est finalement promue capitaine.

Le jour de ses 21 ans, lors d’un voyage diplomatique elle fera cette déclaration mémorable à destination du Commonwealth :

« Je déclare devant vous tous que je consacrerai toute ma vie, qu’elle soit longue ou brève, à votre service et au service de la grande famille impériale dont nous faisons tous partie. »

À 26 ans, elle salue son père malade pour la dernière fois sur le tarmac de l’aérodrome de Londres alors qu’elle le remplace pour une tournée internationale.

Elle part en princesse et revient en reine endeuillée quelques jours plus tard.

Le 2 juin 1953, son couronnement féérique et hyper médiatisé à l’abbaye de Westminster est retransmis à la télévision dans le monde entier pour la première fois de l’Histoire.

Élisabeth II : monarque, épouse et mère

Malgré sa popularité, on sait assez peu de choses sur la vie intime de la reine qui n’a jamais donné une seule interview directe à la presse.

En 1947, elle épouse son cousin Philip Mountbatten de 5 ans son aîné dont elle est tombée amoureuse à l’âge de 14 ans.

Elle ne laisse personne s’interposer entre elle et son fiancé même si son profil ne répond pas aux critères du parfait gendre de cour. Lorsqu’il se marie à la future reine, Philip de Grèce et de Danemark est un prince exilé qui ne possède ni royaume ni richesse.

De ce mariage d’amour naîtront 4 enfants : Charles, Anne, Andrew et Edward.

Suite à leur union se pose la question du nom de famille que devrait porter la reine et ses successeurs. Winston Churchill et la reine Mary (veuve de George V) lui conseillent de conserver le titre de “Windsor” et non pas “Mountbatten” qui était une famille de rang inférieur.

Philip se plaint, à juste titre, d’être un des seuls hommes à ne pas pouvoir transmettre son nom à ses enfants.

70 ans de politique et d’économie sous les yeux d’Élisabeth II

On peut dire que la souveraine aux tenues colorées a vu l’Histoire du monde défiler devant elle.  En effet, elle a conseillé plus de 16 premiers ministres britanniques avec qui elle s’entretenait intimement des questions d’État et d’autres sujets d’intérêt national. Ces audiences ont généralement lieu de manière confidentielle. La relation entre la reine et les Premiers ministres au fil des décennies a été marquée par le respect mutuel et la confidentialité. Elle a travaillé avec plusieurs Premiers ministres au cours de son règne de longue date, et ces entretiens confidentiels sont une partie essentielle de son rôle en tant que chef de l’État britannique.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la reine travaille beaucoup : levée au petit matin, elle enchaîne la lecture de la presse quotidienne, rapports officiels et notes des services secrets. Elle a visité la plupart des pays du monde à titre diplomatique et pouvait rester debout pendant des heures lors des défilés et des inaugurations. Tout cela sans jamais rater le Tea Time bien entendu. La reine apprécie traditionnellement une tasse de thé dans l’après-midi. C’est un moment où elle peut prendre une pause de ses devoirs royaux et se détendre.

Dans cette démocratie et monarchie parlementaire, son rôle est avant tout de représenter l’État.

Situation très particulière, la reine se situe au-dessus des partis mais ne peut pas refuser un projet du premier ministre qu’elle signe toujours de sa plus belle écriture.

Il lui est interdit d’exprimer son opinion personnelle et elle n’a pas le droit de vote.

C’est ainsi qu’elle a éclairé, conseillé et mis en garde le gouvernement élu par le peuple durant les épisodes les plus difficiles de l’Histoire anglaise : Apparition du Commonwealth, décolonisation en Afrique et dans les Caraïbes, en passant par le libéralisme économique de Margaret Thatcher, la Guerre en Irak et en Afghanistan et le récent Brexit.

Disparition d’un symbole de la monarchie

La reine incroyablement dynamique qui montait encore à cheval à 60 ans ralentit tout de même la cadence à partir de 2018. C’est évidemment son fils Charles qui continue d’honorer les engagements publics de sa mère.

Malgré son âge avancé, Élisabeth II n’a jamais eu l’intention d’abdiquer. En tant que monarque et chef de l’Église d’Angleterre, elle considérait avoir prêté vœu de dévouement total à son pays devant Dieu.

Un an après la mort de son cher époux Philip, la reine pudique et conservatrice s’éteint elle aussi au château de Balmoral, en Écosse.

Après un règne exceptionnel de 70 ans, c’est plus qu’une souveraine qui s’en va : c’est l’image de la monarchie britannique et le pilier solide de cette famille parfois adulée, souvent offensée entre tradition et modernité.

Suite à des funérailles nationales qui durent plusieurs jours, son corps repose dans la crypte de la chapelle Saint-Georges de Windsor aux côtés de ses parents et de son époux défunts.

Charles, l’incompris ?

Souvent moqué par la presse et même détesté par l’opinion publique suite à son mariage raté avec la princesse Diana au destin tragique, le roi Charles III est pourtant un homme visionnaire très impliqué dans le développement de son pays.

Intronisé Prince de Galles par la reine à l’âge de vingt-et-un ans, il choisit une vie active et engagée au lieu d’attendre passivement son tour.

Son quotidien est tout sauf oisif. On le dit même extrêmement exigeant.

Charles va s’engager dans de nombreuses causes sociales, écologiques et de préservation du patrimoine dans son pays. Il va aussi investir dans la création de plusieurs entreprises innovantes qui font de lui un entrepreneur fortuné et accompli.

Passionné de botanique et de jardinage, le prince devient le premier président de la branche britannique WWF à l’âge de 32 ans. Il a exercé cette fonction pendant de nombreuses années et a été un ardent défenseur de la conservation de la nature et de la protection de l’environnement. Son engagement dans ces domaines a perduré tout au long de sa vie et est devenu une partie intégrante de son action publique en tant que membre de la famille royale britannique.

En 1976, il crée le Prince’s Trust. Cette institution a aidé des centaines de milliers de jeunes dans le besoin à se former et à trouver du travail. Elle a accompagné des entrepreneurs à créer leur propre entreprise. Cette association à but non lucratif est entièrement financée par des dons.

Si aujourd’hui beaucoup de gens mangent bio et sont sensibles à cette thématique, ce n’était pas du tout le cas en 1990. Pourtant, c’est cette année-là que le Prince visionnaire travaille sur un projet d’agriculture et d’élevage bio en collaboration avec des agronomes et des agriculteurs.

Il a même créé le premier label de produits bio anglais Duchy Originals.

Un succès !

La marque qui génère aujourd’hui des millions d’euros par an, a pris le nom de Waitrose Duchy Organic. Les produits “Waitrose Duchy Organic” sont certifiés biologiques et sont fabriqués conformément à des normes environnementales strictes. Ils comprennent une variété d’aliments, de boissons et de produits ménagers. Les bénéfices de la vente de ces produits soutiennent des œuvres de bienfaisance et des initiatives caritatives soutenues par le prince Charles.

Il mène aussi un combat pour la préservation de l’urbanisme traditionnel via sa fondation The Prince’s Foundation for Building Community. Parti de rien, il a fait ériger avec brio le village de Poundbury : des maisons d’architecture à l’ancienne, écologiques et accessibles à toutes les classes sociales.  

En 2007, il initie le Prince’s Rainforest Project où il est l’un des premiers à sensibiliser les populations à la déforestation. Le projet a soutenu diverses initiatives visant à préserver les forêts tropicales, notamment en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Bien que le projet lui-même ait pris fin, il a contribué à sensibiliser le public aux enjeux liés à la déforestation et à la nécessité de préserver les forêts tropicales pour l’avenir de la planète.

Côté sentimental, ça fait mal.

Il rate une première fois son amour de jeunesse : Camilla Sand qui épousa néanmoins Andrew Parker Bowles.

À l’âge de 33 ans, il suit les conseils de Lord Mountbatten et se marie à Lady Diana Spencer de 13 ans sa cadette, le 29 juillet 1981 à la cathédrale St-Paul. Il pouvait donc se réjouir “d’avoir choisi pour épouse une jeune fille convenable, séduisante et de caractère agréable, avant qu’elle ne rencontre quelqu’un dont elle pourrait tomber amoureuse“.

La belle blonde au sourire timide devient très vite l’icône du peuple, son mari démodé passant aux oubliettes.

De leur union malheureuse naissent deux fils : William et Harry.

Tout sépare Diana et Charles : Il est intellectuel alors qu’elle n’a pas fait d’études, elle vient des quartiers chics de la ville alors qu’il adore la campagne.

Malgré leur mariage médiatisé et leur vie présentée comme un conte de fée, c’est un couple malheureux qui divorce officiellement le 28 août 1996.

L’opinion publique s’attache et s’émeut de cette princesse dépressive et boulimique qui tente plusieurs fois de se suicider à cause de cette triste vie royale.

Tout le monde connaît la fin tragique de l’histoire. Lady Di est emportée dans un accident de la route le 31 août 1997 à Paris, immortalisant son statut d’icône à tout jamais.

En 2005, Charles épouse enfin l’amour de sa vie, Camilla. Il est le premier héritier Windsor à divorcer et à épouser une femme également divorcée.

Le jour de la mort de sa mère, Élisabeth II, le prince de Galles devient le nouveau roi du Royaume-Uni.

William : vers une modernisation de la couronne ?

William occupe la première place dans l’ordre de succession au trône britannique.

Comme tous les hommes de la famille royale, il décide de suivre une carrière militaire. Il a effectué une carrière militaire au sein des Forces armées britanniques. Il a servi dans la Royal Air Force (RAF) et dans la Royal Navy. Une carrière militaire marquée par son engagement envers le service, la formation en vol, et sa participation à des missions de recherche et de sauvetage.

Il intègre ensuite l’université de St. Andrews en Écosse et empoche une maîtrise de géographie en 2005.

Futur roi d’Angleterre, il occupe un rôle croissant dans la monarchie, il voyage beaucoup à l’étranger et est impliqué dans de nombreuses associations caritatives.

Summum du conte de fées : Le beau prince orphelin épouse une magnifique roturière, Catherine (Kate) Middleton, qui lui donne trois enfants (George, Charlotte et Louis).

Kate n’appartient pas à la noblesse traditionnelle au sens où elle n’a pas de titres aristocratiques ou de rang noble ancien : un événement inédit à Buckingham Palace !

Ce couple moderne, solide et amoureux fait rêver tout en rapprochant la famille royale de la nation.

C’est peut-être ça, la recette du succès monarchique : Une famille modèle garante des valeurs et des traditions. Leur galanterie et leurs beaux vêtements dorés nous donnent un sentiment de sécurité. En marche vers la modernité, les Windsor représentent tout un pays et un peuple typiquement… anglais.

Quant au prince Henry, le duc de Sussex et la duchesse Meghan Markle, nous attendons de lire le livre “Le suppléant”, histoire d’y voir plus clair.