Dans l’histoire des débarquements, celui du 6 juin 1944, peut être considéré comme le plus célèbre. Mais il y en a encore d’autres de plus intrigants.
Un jour, je suis venu à penser, voire admettre que nous sommes tous des gens du débarquement. D’ailleurs, je me demande pourquoi, un mot comme “débarqueur” n’existe pas encore dans le dictionnaire. Dans mon imaginaire, cela aurait peut-être prévenu par je ne sais quelle tyrannie, cette inconsistance intime dans la manière dont nous aimons les autres comme nous-mêmes.
J’ai un souvenir d’adolescence qui me revient. Dans le pays où j’ai grandi, quand venaient enfin les grandes vacances scolaires, on “se mettait bien”. Ce qui sépare la Cité Vie Nouvelle de la mer, n’est que cinq minutes de marche. La Cité Vie Nouvelle, c’était le QG. Entre copains, on faisait de petits deals et des trocs. Quand tu as une sortie le soir, tu passes chez le poto qui n’y va pas pour prendre ses baskets, ou sa chaine et quand tu te les affubles, tu te lances bêtement à la conquête du monde. L’union faisait encore la force, ainsi comme des oiseaux migratoires, nous étions à Jérusalem le matin, et dans la bande de Gaza le soir. Enfin, je suis friand de métaphores utopiques.
Une invitation était tombée à pic, une soirée organisée par l’ami de l’ami d’un ami. Ce qui n’était qu’au départ qu’une rumeur a bel et bien été confirmée par les filles “branchées” du quartier. Elles étaient les premières à être invitées, on pouvait compter sur elles pour montrer patte blanche. Voilà venu le jour J et pour cinq amis officiellement invités, on en a compté une quinzaine à s’y rendre. C’est une pratique assez courante et s’il en fait les frais ce jour-là, c’est parce qu’il en savait quelque chose .
La soirée était supposée commencer à 19 heures, la nuit n’était pas censée être longue, car il était annoncé qu’à minuit, non seulement il n’y aurait plus rien à se mettre sous la dent, le DJ mettrait aussi fin aux hostilités. Mais à 19 heures, minuit semblait comme une éternité. Nous voilà donc arrivés à l’heure. Nous faisions partie des premiers sur le terrain, occupant ainsi les sièges des invités sans faire gaffe. Et quand ces derniers vinrent aux alentours de vingt heures, ils n’eurent aucune place où s’asseoir. C’est là que commencèrent nos premiers ennuis. C’est aussi à ce moment précis, que commença le gueuleton. A peine quelques victuailles ingurgitées qu’il nous a été notifié, du moins à ceux qui n’avaient pas reçu une invitation formelle, de déguerpir. Les concernés (dont je faisais partie) qui avaient des boissons ou des sandwiches dans leurs mains, se sont vus confisquer le fruit de leur débarquement.
Tout ça pour ça !
Combien sommes-nous à débarquer dans la vie des autres sans autorisation ? Combien sommes-nous à envahir les territoires des autres sans avoir ni droit ni mérite ? Combien d’hommes et de femmes politiques débarquent dans l’histoire de nos nations, parfois sans convictions profondes, sans idéaux nobles, si ce n’est que pour bafouer ceux des autres ?
Comme l’ami de l’ami de mon ami, soyons tous maîtres des soirées que nous organisons.