Experts Insights
Mario DOHOU
Responsable Contrôle Interne Finance chez ACCOR SA & Formateur en gestion des finances
Mario a acquis au cours de son parcours universitaire, des compétences techniques en comptabilité, contrôle de gestion, en audit et en gestion des risques. Il a débuté par un cabinet d’expertise comptable, puis un passage de 4 ans au sein de la Direction financière d’une entreprise qui opère dans les télécommunications, auprès des organisations internationales (ONU, OTAN, Banque Mondiale…), et pour le compte des réseaux de télécommunication en Afrique de l’Ouest et Centrale.
Pour avoir constaté que les sociétés font face à des contraintes de rentabilité financière et de plus en plus à une pression par rapport au reporting extrafinancier (un critère davantage concurrentiel désormais), il a décidé en plus de son MBA en Finance, de compléter ses connaissances en faisant un MBA à temps partiel en contrôle (de) risque et conformité. Parallèlement, il a suivi et validé une formation « Executive Education in Corporate Finance », dispensée par HEC.
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QUELS SONT LES IMPACTS OPERATIONNELS DE LA CSRD ?
La Commission européenne a récemment adopté la réglementation sur la durabilité, la transparence et la responsabilité des entreprises (CSRD - Corporate Sustainability Reporting Directive), marquant ainsi une étape importante dans la promotion d'une économie plus durable et responsable en Europe. La CSRD impose de nouvelles obligations aux entreprises en matière de reporting, visant à renforcer la transparence et à garantir que les considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) soient prises en compte dans leurs activités. Elle s'applique non seulement aux entreprises européennes mais également aux entreprises non européennes ayant une filiale ou une branche en Europe. Cet article examine les principales caractéristiques de la réglementation CSRD et son impact potentiel sur les entreprises qui y sont soumises.
1. Objectifs de la règlementation :
La CSRD vise à remédier aux lacunes des réglementations précédentes en matière de reporting extra-financier. Ses objectifs sont multiples:
- Le renforcement de la transparence : La réglementation exige des entreprises qu'elles fournissent des informations détaillées sur leur impact environnemental, social et de gouvernance. Les rapports devront être plus complets, plus précis et plus comparables d'une entreprise à l'autre, permettant ainsi aux parties prenantes de mieux évaluer les performances ESG des entreprises.
- L'harmonisation des normes de reporting : La CSRD vise à harmoniser les normes de reporting à l'échelle de l'Union européenne. Les entreprises seront tenues de se conformer aux normes de reporting définies par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), qui devrait établir des critères clairs pour la collecte, la vérification et la publication des informations ESG.
- L'intégration de la durabilité dans la prise de décision : En obligeant les entreprises à fournir des informations plus détaillées sur leur performance ESG, la CSRD vise à favoriser l'intégration de considérations durables dans la prise de décision des entreprises et des investisseurs. Cela devrait conduire à une meilleure allocation des ressources et à une prise de conscience accrue des risques ESG
2. Impacts opérationnels sur les entreprises :
La réglementation CSRD aura un impact significatif sur les entreprises européennes. Voici quelques-uns des effets attendus :
- Coûts de conformité accrus : Les entreprises devront investir dans des systèmes de collecte de données robustes, des outils de reporting et des ressources supplémentaires pour se conformer aux exigences de la CSRD. Cela entraînera des coûts initiaux et continus pour les entreprises, en particulier pour celles qui n'ont pas encore développé de pratiques de reporting ESG solides.
- Renforcement de la confiance des investisseurs : La CSRD vise à améliorer la qualité et la fiabilité des informations ESG fournies par les entreprises. Cela devrait renforcer la confiance des investisseurs et faciliter l'identification des entreprises qui intègrent efficacement les considérations durables dans leur stratégie.
- Avantage concurrentiel : Les entreprises qui adoptent une approche proactive en matière de durabilité et de reporting ESG peuvent bénéficier d'un avantage concurrentiel. Une performance ESG solide peut attirer des investisseurs responsables et des clients soucieux de l'impact social et environnemental des entreprises.
- Un champ d’application élargi : un nombre significativement plus important de sociétés seront concernées par les obligations de reporting, et en particulier toutes les sociétés (sauf micro-entreprises) cotées sur les marchés réglementés européens.
- Un renforcement et une standardisation des obligations de reporting : en s’appuyant sur des normes européennes harmonisées, les sociétés devront publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts matériels en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance, selon un principe de « double matérialité ». Ces normes de reporting seront adoptées via des actes délégués (cf. encadré ci-dessous).
- Une localisation unique : le reporting de durabilité sera publié dans une section dédiée du rapport de gestion.
- Un format digital imposé : le rapport de gestion sera publié dans un format
électronique unique européen. Des balises (ou tags) seront insérées dans le reporting de durabilité et seront définies dans une nouvelle taxonomie digitale fixée par acte délégué. - Une vérification obligatoire de l’information par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant (au choix des Etats), dans un premier temps avec un niveau d’assurance « modérée ». Un passage au niveau d’assurance « raisonnable » pourrait être requis à compter de 2028. Par ailleurs, les auditeurs devront appliquer des standards d’assurance et les règles encadrant leurs missions seront renforcées par la directive et le règlement Audit.
3. Risques encourus en cas de non conformité à la CSRD:
- La non conformité à la directive CSRD peut entraîner des sanctions financières importantes. Les régulateurs peuvent imposer des amendes et des pénalités aux entreprises qui ne respectent pas les réglementations CSRD définies par chaque État.
- Elle peut également entraîner une perte de confiance de la part des clients et des parties prenantes , ce qui peut entraîner une baisse du chiffre d'affaire et/ou une réduction d’activité.
- Enfin, il y a un risque de réputation ou d’image très important et pour se conformer et parer à ce risque d’image, les entreprises devront mettre en place mettre en place de nouvelles procédures et éventuellement effectuer des changements de partenaires et sous-traitants.
4. Limites de la CSRD :
- L'une des principales difficultés liées au reporting sur le développement durable reste que chaque entreprise est unique à sa façon. Il n'y a pas deux entreprises qui se ressemblent, et chacune a son propre modèle d'entreprise. Il est donc possible de ne pas reconnaître son entreprise dans certains critères.
- Le coût : un inconvénient majeur, la Commission européenne admet qu'il y aura une augmentation des coûts de reporting. L'analyse d'impact officielle estime un coût annuel de 3 600 millions d'euros, auquel s'ajoutent 1 200 millions d'euros de coûts ponctuels.
- L'environnement actuel n'est pas propice aux entreprises qui souhaitent se démarquer grâce aux critères ESG.
- En résumé, la symétrie des informations ESG sera grandement améliorée par la CSRD.
La réglementation CSRD représente une étape majeure vers une économie plus durable et responsable en Europe. En renforçant la transparence, en harmonisant les normes de reporting et en favorisant l'intégration des considérations ESG, la CSRD contribuera à une prise de décision plus éclairée et à une meilleure responsabilité des entreprises. Bien que cela implique des coûts et des défis pour les entreprises, la CSRD offre également des opportunités d'innovation et de leadership pour celles qui embrassent pleinement l'agenda de durabilité.
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